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"La plupart des gens ont du mal à croire qu’un comportement qu’ils ont toujours associé à la «nature humaine » ne soit absolument pas naturel, mais acquis et faisant partie d’une organisation particulièrement complexe. ..

Interculturalités

"La plupart des gens ont du mal à croire qu’un comportement qu’ils ont toujours associé à la «nature humaine » ne soit absolument pas naturel, mais acquis et faisant partie d’une organisation particulièrement complexe. ..


L’une des raisons possibles de cette réticence est qu’il jette un doute sur nos croyances les mieux enracinées. »
Edward T. Hall, La dimension cachée - Le langage silencieux, 2014

Lorsque l’on travaille dans un contexte interculturel, il y a une première difficulté, c’est de comprendre ces « autres » qui semblent parfois si différents de nous. Pour y parvenir, nous observons, nous posons des questions, et c’est ce que nous avons fait en partie lors de ces entretiens.

Parfois, pour les personnes qui ne connaissent pas cette approche, la logique de questionnement peut paraître intrusive.
Mais ici, on ne questionne pas leur intimité, leurs désirs, « pourquoi » ils sont venus ici ; on questionne le « comment » les « manières de faire », or cette sorte de questionnement-là est au contraire vécue très agréablement car elle valorise celui qui raconte ; c’est lui l’expert.

Et cela marche évidemment dans les deux sens !

Car il existe une seconde difficulté moins souvent étudiée, c’est la capacité à prendre conscience des origines de nos propres agissements ou propos, que nous prenons comme des normes, et à les expliciter.

C’est à dire prendre conscience du fait que nos propres évidences n’en sont pas, et que nous sommes tout autant des objets de curiosité culturelle pour d’autres.

« Le terme interculturel introduit les notions de réciprocité dans les échanges et de complexité dans les relations. Le préfixe inter/entre traduit à la fois la liaison, la réciprocité et à la fois la séparation, la disjonction. »
Emmanuel Jovelin Le travail social face à l'interculturalité : Comprendre la différence dans les pratiques d'accompagnement social, 2002
Les familles que nous interviewons, lors des entretiens, nous font remonter des propos que des interlocuteurs, ici en France, leur ont tenus, par exemple :

• La télévision toute la journée, ce n’est pas bien pour les enfants
• C’est important d’aller en réunion de rentrée à l’école et de s’intéresser à la scolarité de son enfant
• Il est très important de dire « bonjour, merci, s’il vous plaît, au revoir »
• Un parent doit jouer avec son enfant ; il doit aussi sortir dehors avec lui, au parc, à la plage, à la bibliothèque
• Ce n’est pas bon pour la santé de manger des chips au goûter
• Un enfant ne peut pas aller seul à l’école à 6 ans
• On doit changer les bébés en hauteur
• On mange autour d’une table, on mange trois fois par jour
• Il y a un nom de famille ou deux maximum, et un ou plusieurs prénoms par personne
• Les gens aiment aller à la plage en famille et se baigner

Ces normes les interrogent et ils nous ont aussi demandé d’expliquer nos pratiques culturelles.

Même si, chacun d’entre nous, individuellement, ne suivons peut-être pas ces affirmations, et ne faisons peut-être pas comme cela, nous savons cependant que ce sont des propos qui correspondent à la « norme ».

Dans la mesure où les manières de faire ici ou là n’ont rien d’évident, naturel, inné ou universel, cela veut dire qu’à un moment de notre histoire, sur chacune de ces propositions, il y a eu effectivement une connaissance, une découverte, un changement sociétal, une loi, qui a instauré cette norme.

Bien évidemment, les personnes qui ne viennent pas de ce même contexte ne connaissent pas cette histoire sociétale, et ne peuvent pas en saisir les nuances.

Il peut être très utile de prendre le temps d’expliciter tout cela ensemble.

Sur la plage, une maman nous demande :
«Comment font les femmes françaises pour être toutes minces ? »

Nous lui répondons :
« D’abord toutes ne sont pas minces ! Certaines passent même leur temps à essayer de maigrir et cela peut les rendre très malheureuses.
La « norme » en effet, c’est d’être mince.
Avant l'été, les conseils pour maigrir rapidement fleurissent dans les magazines spécialisés : "comment maigrir en deux semaines ?" ou encore "mincir sans effort".
Depuis les années 30, la société valorise les femmes minces; pour séduire, il est bien vu de ne pas être trop «en chair».
Après, ça dépend du milieu social, du style de chacun, de son mode de vie.

Il y a aussi des débats autour de ça, des controverses, car certaines jeunes filles sont trop maigres, elles sont complexées, le poids devient une obsession.
Avant, ce n’était pas comme ça.
Nous lui expliquons aussi toute la gamme de dispositifs de prévention que nous avons en matière de santé/alimentation depuis notre tout jeune âge, qui nous permet de « savoir » ce qu’il faut éviter ou privilégier comme alimentation, prévention de l’obésité, du diabète, du cholestérol, des maladies cardio-vasculaires. Nous diffusons des messages en classe, à la télévision, au travail. Cela a permis d’améliorer beaucoup l’état de santé des personnes.

C’est aussi parce que beaucoup de personnes habitent en ville, sont « sédentaires », ne bougent plus assez leurs corps.
Nous lui disons que nous sommes encouragées à faire du sport. En bref, que tout cela est relié à la fois à la beauté mais aussi à la santé. »

Derrière une question très simple, il y a des milliers de subtilités à expliciter, partager, mettre en lumière.

Les réponses sont toujours subjectives, mais peu importe, le but c’est de montrer la complexité d’une société derrière une thématique, en prenant toujours garde de ne pas, ni survaloriser nos propres façons de faire, ni de les dénigrer, en apportant de la nuance, de tous les côtés.


OBSERVATIONS ET QUESTIONS DE LA PART DES FAMILLES :


Pourquoi il y a des chambres séparées pour les filles et les garçons ?

Comment font les mamans pour aller en terrasse après l’école et avoir le temps de cuisiner ?

Ici les personnes adultes s’embrassent parfois dans la rue, c’est bizarre

Pourquoi les enfants font des dessins à l’école ?

Il y a plein d’arabes à Marseille, mais dans le bus pour Notre Dame de la Garde, on traduit dans toutes les langues sauf l’arabe

Pourquoi il y a beaucoup de femmes seules ici ?

Les personnes âgées sont très étonnées quand on les aide, parfois même elles ont peur

Pourquoi on me demande d’apprendre le français pour faire le ménage ?

Il n’y a pas toujours de lavabo près des toilettes

Pourquoi tu ne crois pas en Dieu, tu n’as pas peur ?

Pourquoi on me demande toujours mon nom de « jeune fille » ?

Comment les gens peuvent penser qu’on apprend une nouvelle langue en quelques mois ?

Pourquoi aucune information à l’école n’est traduite dans une autre langue, au moins l’anglais ?

Ici, j’ai remarqué que la pomme de terre n’est pas un légume comme les autres, on ne le mélange pas avec le riz

Ici je peux prendre un café avec qui je veux, personne ne fait de commentaire

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