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Est-ce que cette façon d’être parent s’organise de la même manière partout ? La réponse est évidemment non. Une pratique parentale est toujours incluse dans un cadre social, économique, géographique, historique, qui lui donne sens...

Parentalité

Est-ce que cette façon d’être parent s’organise de la même manière partout ? La réponse est évidemment non. Une pratique parentale est toujours incluse dans un cadre social, économique, géographique, historique, qui lui donne sens...


« La notion de « parentalité » est née dans la deuxième moitié du XXème siècle,
siècle, à une période de notre histoire qui a vu s’accélérer les mutations en matière de mœurs et de droit concernant la sexualité, la conception des enfants et la structure familiale. La parentalité désigne de façon très large la fonction d’“être parent”. Dans cette expression, le terme “parent” désigne non seulement les géniteurs biologiques, mais de façon plus large tout adulte ayant la responsabilité d’élever un enfant (une famille d’accueil, un beau-père, une famille adoptante, un oncle ayant la charge d’un enfant). »
Didier HOUZEL, Les enjeux de la parentalité, 2017

Est-ce que cette façon d’être parent s’organise de la même manière partout ? La réponse est évidemment non. Une pratique parentale est toujours incluse dans un cadre social, économique, géographique, historique, qui lui donne sens. Il n'existe pas de modèle de parentalité valable pour toutes les familles dans tous les contextes.

Il existe de grands principes universaux, fondamentaux, qui doivent répondre aux besoins vitaux de l'enfant ; mais aussi des constructions subjectives et des modalités adaptées à chaque fois aux réalités vécues ici et maintenant.

« Dans chaque famille, le nouveau-né devient un enfant puis un adulte adapté à sa société. »
C Super et S Harkness, Parents’ Cultural Belief Systems. Their Origins, Expressions, and Consequences,1997

Ces deux chercheurs américains ont découvert que, selon les contextes de vie et les conceptions des parents, les compétences acquises par les enfants ne s’organisaient pas de la même manière, aux mêmes âges, avec les mêmes priorités.

C’est une grande révolution, car cela veut dire qu’un enfant se développe, physiquement, psychiquement, non pas seulement en fonction d’éléments physiologiques, mais aussi en fonction de l’univers culturel qui l’entoure, des rêves qu’on porte sur lui, de la façon dont la société est organisée là où il vit.
Pourquoi, par exemple, en France, dès ses premières semaines de vie, apprenons-nous à un enfant à dormir seul dans une chambre, pratique qui est parfois considérée dans d’autres cultures comme une forme d’abandon ou de maltraitance ?

C’est parce que, très tôt, dans les villes industrialisées, on éduque l’enfant vers ce qu’il deviendra : un individu, singulier, qui devra développer ses propres aptitudes. Il devra faire face à de nombreuses options et agir de façon autonome. C’est parce que la valeur de la liberté et de l’intégrité individuelle est très importante.
C’est aussi parce qu’on a intériorisé des craintes autour de la mort subite du nourrisson dont le risque serait accru en dormant avec ses parents, en raison des risques d’étouffement. C’est enfin, parce que Freud est passé par là, et que les théories sur le complexe d’œdipe rendent suspectes les pratiques de co-dodo ; on dit que l’enfant est à une place ambiguë, qu’il y a un risque de fusion, de confusion.

Bref, rien d’inné dans tout cela. Que du culturel, du circonstanciel et du sociétal.

Un geste parental, isolé, ne signifie rien.

Un geste parental est précédé par une représentation du monde, de l’organisation de la famille, de la place des adultes vis-à-vis des enfants.


C’est ce que nous appelons la parentalité située, dont voici un schéma simplifié :

Connaissances, croyances sociétales autour de l’enfant/Organisation de la société adulte


Représentations sur les besoins prioritaires des enfants âge par âge


Pratiques parentales, gestes privilégiés dans la relation parents-enfants et dans les apprentissages
La parentalité située, cela veut dire aussi que, pour comprendre pourquoi un parent agit ainsi, il est utile d’explorer de nombreuses autres dimensions, connexes à la parentalité, et pas seulement le « relationnel parent-enfant ».

Quelle est la configuration de la maison ? Y a t il un dedans et un dehors ? Comment cela s’organise t il ? Le privé ? Le public ?
Qui habite à l'intérieur de la maison, comment est composée la famille ?
Qui s’occupe des enfants ? Les parents, tantes, grands-parents, aides familiales, frères et sœurs ?
Où sommes-nous : ville, campagne, périphéries, paysages, environnement ? Quelle liberté ont les enfants ? Quels sont les moyens de transport existants ?
Quelle est la notion de « danger » pour l’enfant ? Où se situe-t-elle ? Comment se soigne-t-on ? Quelles sont les théories sur la santé ?
Quelles lois entourent l’éducation ? Droits de l’enfant ? Obligations parentales ?
Quelle dimension spirituelle existe, les valeurs, les croyances, les rituels autour de la naissance, le développement de l’enfant ?
Quelles langues sont parlées ? Langue nationale, régionale, locale ?
Comment se lave-t-on ? Quel matériel nécessaire aux soins du corps ?
Où cuisine-t-on ? Qu’est ce qu’on mange selon les heures? Combien de repas fait-on par jour ? Où fait-on ses courses ? Comment mange-t-on?
Quelle place tient l’école ? Est- ce qu’elle existe ? Où ? Comment ?
Comment s’opère le passage de l’enfance à l’âge adulte ? Comment est envisagée la puberté, l’adolescence ? Quelles sont les activités d’un enfant selon les âges ?
Comment les enfants jouent ? À quoi jouent-ils ?
Quelles sont les activités quotidiennes des adultes ?
Des femmes ? Des hommes ?
Quelle place a le travail ? Quel type de travail ?
Quels sont les horaires d’une journée type pour l’enfant et pour l’adulte ?
Quelles sont les relations en famille ? Les parents et les enfants sont-ils en discussion ? Est-ce qu’ils se font des câlins en public?
Comment les parents posent des limites lorsqu’un enfant désobéit ?


L’ensemble de ces sujets fait partie de la parentalité.
Pour tout parent, répondre à ces questions, c’est simple, évident.
Et puis un jour, parfois, les parents doivent partir.

« Les parents qui arrivent d’ailleurs ont un bagage culturel en matière de parentalité mais aussi dans tous les autres domaines de la vie, des savoir-faire qui leur semblent a priori fiables. En contexte d’exil, l’ensemble de ces paramètres va être questionné, à l’intérieur de la famille mais aussi de l’extérieur : chez le pédiatre, à l’école, avec les voisins. 

Car ces derniers ont eu aussi un bagage culturel autour de l’éducation qui leur paraît universel et naturel, et qu’ils essaient donc de transmettre aux parents.

Dans le domaine de l’éducation des enfants, ces transformations culturelles sont vécues de façon particulièrement importante car elles touchent à la fois aux sphères de l’intime, du familial et du social.

Être en exil, c’est expérimenter à chaque instant l’étrangeté de toutes les situations vécues. »
Clotilde O’Deyé, « Accompagner la parentalité en exil, analyse et guide pratique à l’usage des intervenants », 2021

L’exil, ce sont des évolutions très complexes, beaucoup de solitudes, ainsi que nous le révèlent ces familles qui sont coupées parfois définitivement de leurs proches.

Mais ce sont aussi des opportunités de changement, des périodes de créativité, le vertige n’est pas forcément qu’une expérience négative.

Dans les périodes d’exil, les sensations sont en permanence paradoxales.

Nous parlons de parentalité située, parce que la parentalité est toujours liée à un contexte de vie ici et maintenant.
Et cette parentalité est en mouvement, car la réflexion ne s’arrête jamais dans aucune famille ; les personnes exilées vont établir des ponts en permanence avec les parentalités du pays d’accueil, leurs propres réflexions, et les conseils des spécialistes.

Rien n’est figé.

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